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Planète Bleue
22 février 2007

Hormone de croissance: le procès bientôt

Le parquet de Paris va demander le renvoi en correctionnelle de plusieurs sommités médicales et anciens hauts fonctionnaires du ministère de la Santé. La juge Bertella-Geffroy devrait suivre le réquisitoire du parquet, lors d'un procès sur un drame de santé publique parmi les plus retentissants de ces dernières années, après celui du sang contaminé. Un drame qui a causé la mort de 105 enfants ou adolescents

Enfin! Cent cinq familles dont les enfants sont morts à cause de cette maudite hormone de croissance vont avoir leur procès. Quinze ans après le premier décès d’un garçon de 11 ans, la juge d’instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy a en effet bouclé son dossier. Et le parquet de Paris s’apprête de façon imminente à lui transmettre son réquisitoire de près de 400 pages. En clair, à demander le renvoi en correctionnelle pour homicide involontaire et tromperie aggravée de plusieurs personnalités du monde médical. Ces dernières auraient laissé s’écouler, entre fin 1982 et 1985, des stocks suspects d’hormone de croissance, occasionnant la mort de 105 enfants ou adolescents. Le dernier est décédé au mois de décembre 2006.

Qui sont ces personnalités épinglées qui pourraient rendre des comptes à la justice dès la fin 2007 ou au début 2008? Il s’agit du professeur Jean-Claude Job, ex-président de France-Hypophyse, Fernand Dray, ancien responsable à l’Institut Pasteur de la fabrication de l’hormone de croissance, Jacques Dangoumau, ex-directeur de la pharmacie et du médicament au ministère de la Santé, Henri Cerceau, ancien directeur de la Pharmacie centrale à l’Assistance publique de Paris et le docteur Elisabeth Mugnier, responsable de la collecte des hypophyses. A la juge Bertella-Geffroy de prendre désormais son ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel et de suivre ou non les réquisitions du Parquet de Paris. Selon nos informations, la magistrate devrait reprendre dans une très large mesure le réquisitoire du parquet de Paris.

Similitudes avec l'affaire du sang contaminé
Retour sur un drame qui s’apparente par bien des points à celui du sang contaminé. Au début des années 1980, une sommité médicale, le professeur Luc Montagnier, s’interroge sur les risques encourus à utiliser une substance fabriquée de façon artisanale, à partir d’hypophyses de cadavres, et destinée à soigner des enfants qui ont du mal à grandir ou sont atteints de nanisme. Le professeur Montagnier se montre catégorique: France-Hypophyse, association loi de 1901, qui a pour mission de fabriquer et distribuer l’hormone de croissance, ne doit jamais collecter une hypophyse provenant du cerveau d’un malade mort d’encéphalite aigüe, de tumeur intracranienne,  ou de maladie chronique du système nerveux.

Vigilance absolue. Tel est le mot d’ordre du professeur Montagnier à l’adresse des dirigeants de France-Hypophyse. Or, trois ans plus tard, un rapport de l’Inspection générale des Affaires sociales met gravement en cause France-Hypophyse. On apprend par exemple que la collecte des hypophyses dans les morgues des hôpitaux se déroule sans le moindre contrôle. Et que  presque jamais  un procès-verbal n’est rédigé. Pis: les sorties d’organes ont lieu sans que les directions des hôpitaux où sont décédés les donneurs en soient informées. Accablant!

Au début 1985, un progrès considérable a lieu: des laboratoires pharmaceutiques mettent au point une hormone synthétique  sans risque de prion. Une découverte capitale qui permet d’éviter tout risque de maladie de Creutzfeldt-Jacob. Ce n’est qu’en 1988 que la France optera pour l’hormone de croissance synthétique.

Premier mort aux Etats-Unis
Or, la France,  continue d’ utiliser la méthode extractive, celle qui consiste à collecter des hypophyses sur des cadavres. Jusqu’à ce qu’un drame survienne aux Etats-Unis: un jeune homme de 21 ans meurt en novembre 1984 en Californie après avoir suivi un traitement à l’hormone de croissance extractive entre 1960 et 1975. Les résultats de l’autopsie sont formels: le lien est établi entre la maladie de Creutzfeldt-Jacob, cause du décès du jeune homme, et l’administration de l’hormone de croissance.

Malgré cette tragédie, le monde médical français reste sur ses positions. Et poursuit la production et la distribution de l’hormone extractive. Le 7 mai 1985, le directeur  de la pharmacie et du médicament, Jacques Dangoumau, dans une lettre adressée à France-Hypophyse, se veut rassurant: "La qualité du système mis au point par la France, la nature des produits utilisés et les garanties offertes par leur contrôle, la gravité du handicap traité, justifient de ne pas interrompre le très remarquable travail  réalisé par l’association France-Hypophyse en liaison  avec la pharmacie centrale et la commission nationale de l’hormone de croissance".

Lots contaminés
Seulement voilà: la réalité va se révéler différente. Dans un rapport, la PJ écrira que le laboratoire de l’institut Pasteur où est extraite l’hormone de croissance ressemble à une "arrière-cuisine". De fait, les conditions sanitaires de la collecte de l’hormone de croissance sont fort éloignées des affirmations du directeur de la pharmacie. Tellement qu’entre la fin 1982 et le mois de juin 1985, quatre lots d’hormone de croissance, soit plusieurs dizaines de milliers d’ampoules, ne seront pas purifiés, contrairement à la procédure normale. Et, surtout ne seront pas rappelés bien qu’on ait constaté cette grave déficience. Ils seront donc administrés à des enfants et adolescents. Pourquoi une telle défaillance? Pour des raisons économiques, bien sûr, le rappel des lots entraînant un manque à gagner important pour l’association France-Hypophyse.

Le 24 décembre 1991, sur plainte d’une famille dont l’enfant avait contracté la maladie de Creutzfeldt-Jacob après avoir suivi un traitement à base d’hormone de croissance, une information judiciaire était ouverte à Paris, confiée à Marie-Odile Bertella-Geffroy.  Au fil des mois, les familles de victimes regroupées au sein de l’ Association  des victimes de l’hormone de croissance, défendue par Me Bernard Fau, multiplient  les plaintes.

L’instruction va être longue, Marie-Odile Bertella-Geffroy éprouvant de grandes difficultés à reconstituer le cheminement des lots contaminés entre 1982 et 1985. Et pour cause: leurs registres de distribution seront volés, tout comme disparaîtra le micro-ordinateur qui recensait le listing des ordonnances destinées aux jeunes patients. Ainsi donc, s’ouvrira d’ici quelques mois l’un des procès les plus retentissants de ces dernières années - après celui du sang contaminé - sur un drame de santé publique. En attendant, les familles des victimes ont été indemnisées à hauteur de 250 000 euros par enfant décédé...

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